Vivre et penser comme des porcs
Plaisir (entre 💀 et ❤❤❤❤❤) | 💀 |
Plume (entre 💀 et ✒✒✒✒✒) | 💀 |
Langue de lecture | 🇫🇷 |
Âge du lecteur | 27 |
Pages (Papier) | 135 |
De quoi ça parle ?
Ce livre de Gilles Châtelet, publié en 1998, décrit et attaque le modèle néolibéral. L'ordre venant du chaos et la main invisible du marché ? Malhonnêteté et détournement des mathématiques pour asseoir une idéologie politique. Il décrit le passage de l'Homme ordinaire, paysan libre d'Angleterre, à l'homme moyen, produit industriel prévu pour consommer de la même façon partout pareil, et penser un peu partout pareil. C'est déjà écrit sur la quatrième de couverture. Ce livre avait tout pour me plaire, comme je l'écris dans ce que j'ai apprécié.
Je n'ai pas lu plus de 35 pages avant d'abandonner la lecture. Oui, c'est autorisé. Je recommande même d'arrêter quand vient la phrase "pourquoi je m'inflige ça ?"
C'est dommage car j'aurais aimé plus, et j'y reviens dans les points suivants.
Ce que j’ai apprécié
- Découvert au Livre ou Verre, mon café préféré à Charleroi
- Une analyse bien en avance concernant un sujet actuel
- Écrit par un docteur en mathématiques, avec a priori les mêmes approches que moi
- Citations nombreuses d'autres penseurs, pour montrer l'echo et le cheminement des pensées.
- Des mots durs quand nécessaires (je hais la goinfrerie [...] de l'ère postindustrielle)
Ce qui m’a rebuté
- Châtelet ne donne aucun contexte. Il part par exemple du principe que le lecteur connaît très bien l'avènement de Miterrand et sa politique. En tant que Belge né 16 ans après l'élection de Miterrand, je n'aurais pas dit non à un minimum de contexte. Il parle pendant plusieurs pages d'une soirée sans commencer par la date raison et lieu ! Non je n'étais pas devant la TV quand c'est arrivé !
- De façon générale, il use et abuse de formules compliquées. Je l'ai vu précédemment, on peut parler simplement de sujets compliqués. Bell Hooks a fait cet effort. Demoule. Orlov. Tegmark. Mais non, pas ici. J'ai plus l'impression que Châtelet veut avoir l'air intelligent (qu'il était très certainement) que de transmettre son message aux lecteurs.
- De plus, il fait régulièrement parler le néolibéralisme par un épouvantail pour le démonter, ce qui est contreproductif. Non seulement ce n'est pas nécessaire pour le critiquer mais en plus ça nuit à la crédibilité du reste de l'ouvrage.
- Absence chronique de sources, ce qui est doublement dommage pour un rédigé d'un scientifique de formation. Ma première perle en sera un bon exemple.
Quelques perles
J'ai quand même surligné quelques lignes dans les quelques pages que j'ai pu lire :
Les périodes les plus brillantes de leur histoire (NDLR : Allemagne, Angleterre, France) ont toujours résulté d'une capacité à aménager des espaces à l'abri des pressions de la demande sociale immédiate, des hiérarchies en place, et donc aptes à accueillir de nouveaux talents sans distinction de classe, bref à abriter une aristocratie culturelle qui ne soit pas cooptée par la naissance ou l'argent.
Comme disent les anglais, "big if true", mais je ne peux juste pas accepter ça sans que ce soit développé.
"Mangeurs d'homme" en 4x4 dont le sens critique n'excède que de peu celui du ver solitaire.
Je n'aime pas les voitures, et j'aime beaucoup la formulation. Je pourrais dire que "non, il y a des exceptions", et ça serait jouer un jeu que Gilles Châtelet décrie : ne pas oser parler dur. Selon lui, il faut, vu les enjeux, oser faire du rentre-dedans verbal au minimum pour se libérer de cette pression idéologique. Je garde à l'esprit.
"Positivez et maximisez comme vous respirez !", qu'il propose comme slogan de la classe moyenne mondiale.
Vaincre le techo-populisme, [...] c'est aussi vaincre le national-racisme. [...] Bref, de sursauter et de refuser son destin de bétail cognitif.
Réflexion hors cadre, mais Châtelet utilise par exemple le mot "clef" au lieu de "clé", comme le propose la réforme orthographique de 1990 (bien avant l'écriture du livre). Je ne jugerais pas le livre sur ce seul point, j'ai déjà un avis assez clair, mais je vois aussi une espèce d'hypocrisie. Il appelle les gens à s'émanciper intellectuellement, mais rédige dans un language qui ne sortira pas de son cercle philosophique. Il dénonce la racisme et d'autres formes de domination, laissant sous-entendre un appel à l'inclusion, mais refuse une nouvelle graphie du français plus accessible aux nouveaux arrivants (enfants compris).